Secret des affaires

Une conférence du 08/12/2023 où notre cabinet est intervenu avec le Professeur Antoine Touzain, Professeur à l’Université de Rouen-Normandie, et Madame Christine Foucher-Gros Président de la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Rouen devant un auditoire de juristes.

Un rappel des dispositions actuelles introduites par la loi du 30 juillet 2018 dans le Code de commerce aux articles L151-1 et suivants ainsi que la partie réglementaire qui dispose que :

« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »

Le secret des affaires faisait déjà l’objet de protection depuis 1935 notamment dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 29 mars 1935 qui prévoyait que :

« Tout procédé de fabrication offrant un intérêt pratique ou commercial mis en œuvre par un industriel et gardé secret à l’égard des concurrents » est un secret d’affaires.

Le Code du travail, de son côté, dans son article L1227-1 (entré en vigueur le 1er mai 2008), dispose que « Le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros ».

Une question essentielle : Le détenteur du secret doit apporter la preuve que son secret est protégeable.

Trois conditions découlent des textes :

1. Détention d’une information secrète.
2. Il faut que le secret ait une valeur commerciale.
3. L’information doit avoir été protégée.

Les modes de protection :

Le détenteur doit prendre les mesures nécessaires pour la protéger.

Le droit des contrats fournit des outils qui ont été décrits par les intervenants, tels que l’accord de confidentialité, les clauses avec les partenaires et les associés de l’entreprise, le dépôt chez un tiers de confiance ou auprès d’institutions comme l’INPI.

Il en va de même pour les logiciels.

Quand les parties ont conclu un contrat de Joint-venture pour une invention, chacune d’elle doit protéger son acquis et convenir du sort de l’invention commune.

Le droit pénal peut fournir également des protections.

La qualification de vol a été retenue dans un arrêt du 20 mai 2015.

L’article 323-3 du Code pénal interdit le fait « d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre » des données présentes sur un système de traitement automatisé de données.

Conclusion :

Il est donc nécessaire de contractualiser la protection à tous les niveaux avec des sanctions qui pourront, le cas échéant, être revues par le juge.

La convention de protection du secret pourrait être autonome par rapport au contrat pour qu’elle puisse survivre à la nullité du contrat principal, comme les clauses d’arbitrage dans les contrats.

Une précaution : L’assurance contre le piratage de l’information secrète.
Mais l’assureur va exiger de son assuré le respect de recommandations de base en matière de sécurité.

Certaines atteintes au secret sont interdites :

– L151-4 du Code de commerce : L’accès non autorisé à un élément contenant le secret ou un comportement déloyal.
– L151-5 du Code de commerce : Violation des obligations de non-divulgation.
– L151-6 du Code de commerce : Par celui qui « aurait dû savoir » que le secret était protégé et qu’il a été divulgué de façon illicite.

Certaines atteintes sont autorisées notamment :

– Si la découverte est faite par un créateur indépendant ou par observation d’un produit mis à la disposition du public de manière licite (L151-3 du Code de commerce) ; 
– Pour sauvegarder la liberté d’expression (L151-8 du Code de commerce) ;
– Pour permettre le droit d’alerte en matière de corruption (L151-8 du Code de commerce) ;
– Pour protéger un intérêt légitime (L151-8 du Code de commerce) ;
– Pour protéger des données personnelles.

L’intervention du juge :

1) Les moyens de procédure

Le cas typique est celui du demandeur qui prétend que son information est secrète et qu’elle a été utilisée par un tiers.

Il demande la levée du secret des informations détenues par le tiers pour concurrence déloyale et peut obtenir du juge le placement sous séquestre des pièces susceptibles d’être appréhendées pour démontrer le bien-fondé de son action (Article R153-1 du Code de commerce).

Le défendeur peut saisir le juge dans un délai d’un mois pour faire annuler la saisie et la mise sous séquestre.

Pendant cette mise sous séquestre, les documents ne sont pas accessibles au demandeur.

Ils sont donc protégés tant qu’un examen contradictoire n’a pas eu lieu entre les parties et le juge, au besoin sous le sceau de la confidentialité.

L’appel peut être suspensif ce qui permet de maintenir le secret tant que la Cour d’appel n’a pas fait le tri des documents protégeables et les autres.

En effet, l’exécution provisoire ne peut pas être ordonnée (article R153-8 du Code de commerce).

La récupération des preuves en droit américain, dans le cadre de la procédure de discovery, est un moyen d’apporter une preuve. Le décret 2002-207 du 18 février 2022 oblige les entreprises confrontées à ces demandes de discovery à saisir le SISSE (Service des Informations Stratégiques de la Sécurité Economique) au sein du Ministère de l’Economie et des Finances qui l’accompagne dans cette démarche et rend un avis officiel sur l’applicabilité de l’investigation étrangère.

2) Les sanctions.

Diverses mesures peuvent être ordonnées par le juge notamment :

o L’interdiction de la poursuite des actes incriminés.
o L’octroi de dommages et intérêts (L152-3).
o La destruction des pièces.
o Des mesures de publicité (L152-7).

Le 08/12/2023

Thierry CLERC
tc@tclerc-avocats.fr