Etablissement stable Un exemple en République Tchèque

Embauche d’un employé / Etablissement stable / Contrat d’agent commercial / Création d’une filiale

Une société française souhaite développer ses affaires en République Tchèque. Elle se propose d’employer un salarié pour s’occuper de la publicité et de la promotion des produits, lequel travaillerait depuis son domicile en République Tchèque.

Elle envisage d’autres alternatives notamment le recrutement d’un agent commercial ou éventuellement la création d’une filiale.

Se pose la question de l’établissement stable en République Tchèque.

I. La notion d’établissement stable.

La notion d’établissement stable est utilisée par la très grande majorité des conventions fiscales. La Convention fiscale conclue entre la France et la République Tchèque est entrée en vigueur en 2019 en France et 2020 en République Tchèque.

Selon l’article 5 de cette Convention, est un établissement stable « une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ». Il est donc question de la réalisation d’activités industrielles ou commerciales, qui n’ont pas un caractère préparatoire ou auxiliaire (art. 5 §4 e), par une société dans un Etat, qui n’est pas son Etat de résidence. Ainsi, la présence ou l’absence d’un établissement déterminera le lieu d’imposition des revenus émanant de l’activité industrielle ou commerciale de la société.

Le paragraphe 5 de ce même article précise également que le représentant de l’entreprise, autre qu’indépendant, ne doit pas exercer une activité lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise.

Lorsque le représentant « dépendant » peut, de son propre chef, engager la société en décidant de manière habituelle certaines transactions que cette dernière se borne à entériner, même si ce ne sont pas des contrats au nom de la société, il y a un établissement stable (Conseil d’Etat, 12/12/2020, affaire Société Conversant International Limited c/ l’administration fiscale française).

Il faut également vérifier la jurisprudence rendue en République Tchèque.

La conséquence de l’établissement stable est d’avoir à payer l’impôt sur les sociétés et la TVA sur le chiffre d’affaires réalisé en République Tchèque.

II. Comment éviter la qualification d’établissement stable ?

Dans notre situation, l’objectif est de ne payer l’impôt qu’en France et donc de ne pas tomber dans le champ d’application de l’article 5 de la Convention fiscale et de la notion d’établissement stable en République Tchèque.

La mission de l’employé devra réellement être cantonnée à la promotion de la société, la publicité et l’étude de marché, sans qu’il ne puisse conclure lui-même des commandes, s’occuper de la livraison ou de l’après-vente. Les commandes et livraisons devront être effectuées directement depuis la France.

Le salarié ne doit donc pas avoir la possibilité de conclure lui-même des contrats pour le compte de la société, ou d’engager la société à travers les décisions qu’il prend. Il ne doit pas « jouer habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats ».

De plus, il ne doit pas travailler depuis une adresse ou des locaux fixes, puisqu’un bureau peut être caractérisé comme un établissement stable (art. 5 §2 c Convention fiscale entre la France et la République Tchèque).

Le client ne doit avoir aucunement l’impression d’avoir à faire à une entité autre que la société française.

Les seules charges à payer en République Tchèque seront donc, selon l’article 15 de la Convention fiscale, « les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident d’un Etat contractant reçoit au titre d’un emploi salarié ».

Une alternative possible pourrait être le recours à un agent commercial ou à une filiale.

III. L’agent commercial en République Tchèque.

La directive européenne (86/653/CEE) du 18 décembre 1986, relative aux agents commerciaux indépendants, trouve application, la République Tchèque étant un membre de la Communauté européenne.

Un agent commercial est un professionnel indépendant. Il négocie et/ou conclut des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services pour le compte d’un tiers.

L’établissement stable n’est pas constitué lorsqu’une entreprise recourt à un agent commercial et que ce dernier est indépendant (art. 5 §6 Convention fiscale entre la France et la République Tchèque). La société française ne sera donc pas imposée en République Tchèque pour ses bénéfices (art. 7).

Un agent commercial situé en République Tchèque permet une bonne connaissance du territoire. Il est rémunéré par des commissions.

Pour autant, si la société opte pour un agent commercial, il lui faut porter attention à la rédaction de son contrat. En effet, il faut déterminer si elle accorde une exclusivité par exemple, et il vaut mieux l’encadrer, en précisant si elle porte sur une période limitée, un territoire précis et même comment la résilier. De plus, il faut prévoir les modalités de rupture du contrat et un préavis suffisant (article 15 directive 86/653/CEE) et vérifier les modalités d’évaluation de l’indemnité de clientèle en fin de contrat au vu de la loi applicable au contrat (française ou tchèque ?).

La directive européenne prévoit aussi qu’un tel contrat prévu à durée déterminée, s’il continue d’être exécuté par les parties après son terme, est réputé transformé en un contrat d’agence à durée indéterminée (article 14).

IV. La création d’une entité commerciale.

La société a également pour alternative de mettre en place des bureaux en République Tchèque. Dans ce cas, elle s’implante par la création d’une société ou d’une succursale. Cela a des conséquences au niveau de la fiscalité, puisqu’une succursale est considérée comme un établissement stable (art. 5 §2 b).

L’une comme l’autre doit faire l’objet d’une immatriculation au registre du commerce pour avoir une existence légale.

Dans ce cas, il faut se référer à l’article 7 de la Convention fiscale qui indique comment sont imposés des bénéfices générés par une entreprise ou par un établissement stable : « Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ». C’est donc en République Tchèque que seront imposés les bénéfices de la société nouvellement créée et ceux de la succursale, lorsqu’ils lui seront imputables.